Chapitre 2
Ojectif du chapitre:
Remonter à la source.
Découvrir comment, des civilisations mésopotamiennes aux savants grecs, les premiers esprits ont compris la nature des nombres, inventé les premiers outils de calcul et posé les bases de la théorie des nombres premiers.
1. Les Égyptiens et les Babyloniens
Bien avant les Grecs, les Égyptiens et les Babyloniens manipulaient déjà des nombres avec une précision remarquable.
Ils savaient mesurer, calculer, construire — mais les nombres premiers n’étaient pas encore nommés comme tels.
- Les tablettes babyloniennes (vers 1800 av. J.-C.) révèlent la maîtrise des fractions, des multiples, et des diviseurs.
Certaines montrent des listes de nombres premiers implicites, utilisées pour établir des rapports ou simplifier des calculs d’astronomie. - Les scribes égyptiens, dans le papyrus Rhind, connaissaient les rapports simples entre nombres et utilisaient des fractions unitaires (de la forme 1/n), souvent reliées à des propriétés de divisibilité.
💡 Ces civilisations n’avaient pas encore isolé la notion de “nombre premier”, mais elles en pressentaient déjà l’utilité pratique.
2. Les Grecs : Euclide, Pythagore, Ératosthène
Avec la Grèce antique, les nombres quittent le domaine de la pratique pour entrer dans celui de la philosophie et de la théorie pure.
🔹 Pythagore (vers –570 à –495 av. J.-C.)
- Il voyait dans les nombres l’essence de toute chose.
- Pour lui, l’univers était harmonie et proportion — et les nombres premiers représentaient les sons purs de cette harmonie.
- Les Pythagoriciens classaient les nombres en pairs, impairs, parfaits, amicaux, premiers…
“Tout est nombre.” — Pythagore
🔹 Euclide (vers –300 av. J.-C.)
- Dans ses Éléments, il définit formellement les nombres premiers.
- Il démontre deux résultats majeurs :
- Le théorème de la décomposition unique : tout nombre peut être exprimé comme produit de nombres premiers.
- Le théorème de l’infinité des nombres premiers : il n’existe pas de plus grand nombre premier.
Preuve d’Euclide (simplifiée)
Supposons qu’il existe un nombre fini de nombres premiers : p₁, p₂, …, pₙ.
Multiplions-les tous : N = p₁ × p₂ × … × pₙ.Considérons N + 1.
Ce nombre n’est divisible par aucun des pᵢ ; il est donc soit premier lui-même, soit divisible par un autre nombre premier encore inconnu.➜ Contradiction.
Il y a donc une infinité de nombres premiers.
“Il existe une infinité de nombres premiers.” — Euclide
🔹 Ératosthène (vers –276 à –194 av. J.-C.)
- Bibliothécaire d’Alexandrie, astronome et géographe, Ératosthène invente un outil ingénieux pour identifier les nombres premiers : le crible d’Ératosthène.
3. Le crible d’Ératosthène expliqué
C’est un procédé simple et génial permettant de repérer tous les nombres premiers jusqu’à une limite donnée.
Étapes :
- Écris tous les entiers de 2 à n (par exemple jusqu’à 100).
- Entoure le 2 : c’est le premier nombre premier.
- Barre tous ses multiples.
- Passe au prochain nombre non barré (3) ; barre tous ses multiples.
- Continue ainsi.
À la fin, tous les nombres restés non barrés sont premiers.
Visualisation interactive suggérée sur le site :
Une grille animée où les multiples se colorent au fur et à mesure que le crible se déploie — jusqu’à ne laisser visibles que les nombres premiers (2, 3, 5, 7, 11, 13, 17, 19…).
💬 Cette méthode, vieille de plus de 2200 ans, reste encore aujourd’hui l’une des façons les plus élégantes de comprendre la nature des nombres premiers.
4. Les premiers traités de théorie des nombres
Les Éléments d’Euclide (Livre VII à IX) constituent la première théorie formelle des nombres.
Ils introduisent les concepts :
- de divisibilité,
- de nombres premiers et composés,
- de nombres parfaits,
- et les premières démonstrations par l’absurde.
Puis viendront plus tard :
- Nicomachus de Gérase (Introduction à l’arithmétique) qui popularisa la classification des nombres ;
- Diophante d’Alexandrie, précurseur de l’algèbre, qui utilisa des équations où les nombres premiers jouent un rôle caché.
💡 Ainsi naquit la première science purement mathématique : la théorie des nombres.
5. Héritage et influence
Les Grecs n’ont pas seulement découvert les propriétés des nombres premiers ;
ils ont inventé la manière de penser mathématiquement :
démontrer, raisonner, prouver.
Chaque crible, chaque théorème moderne sur les nombres premiers est un héritier direct d’Euclide et d’Ératosthène.
“Les mathématiques ont commencé avec l’étonnement devant les nombres.”
— Aristote
🔗 Pages liées
- Euclide — Père de la géométrie et fondateur de la théorie des nombres.
- Ératosthène — Inventeur du crible et pionnier des mesures scientifiques.
- Pythagore — Philosophe du nombre et de l’harmonie universelle.
🧭 Transition vers le Chapitre 3
L’époque classique va faire entrer les nombres premiers dans une ère d’analyse et d’expérimentation.
Avec Fermat, Euler et Mersenne, la théorie des nombres devient un langage universel reliant arithmétique, géométrie et logique.
➜ Chapitre 3 : L’époque classique — Fermat, Euler et les débuts de la théorie moderne